Connaissez-vous le festival 2ANNAS ?

8 Novembre 2014



Le dimanche 26 octobre s'est conclu la dix-neuvième édition du Riga International film festival 2ANNAS, festival international de cinéma indépendant qui se déroule chaque année à Riga et qui réunit le temps de quelques jours cinéastes et cinéphiles du monde entier. Cette année, le thème retenu fut « Les transgresseurs – éclaireurs et pionniers du cinéma ». Du documentaire à la fiction en passant par l'expérimental, les films présentés ont revêtu des formes diverses servant bien souvent un propos à mi-chemin entre le tabou et l'inexploré. Retour sur cet intense et unique festival pour lequel la France a présenté six courts-métrages.


Crédit Julija Stancevičiūtė
Crédit Julija Stancevičiūtė
A défaut d'avoir la popularité du festival de Cannes en France ou de la Berlinale en Allemagne, le 2ANNAS ne cesse d'accroître sa réputation au fil des ans. D'un simple petit événement indépendant créé pour promouvoir et soutenir l'intérêt de l'art cinématographique en Lettonie, le 2ANNAS a ouvert ses frontières en 2005 pour devenir un festival d'ordre international. Depuis, le programme s'étoffe d'année en année et attire de plus en plus de monde. L'édition 2014 fut à ce titre l'une des plus conséquente avec quelque 120 films projetés sur 9 jours dans toute la capitale. 

« Un festival unique, riche, intense et intéressant »

Outre la multitude de thèmes abordés dans les différentes catégories telles que l'érotisme, le cinéma letton indépendant, les transgresseurs libanais, les films peuvent concourir dans trois compétitions : celle du meilleur court-métrage international, celle du meilleur court-métrage des pays baltes et celle du meilleur long-métrage. Ce programme éclectique qui n’obnubile pas l'aspect compétitif a particulièrement plu à Yoel Kaminski, réalisateur israélien et membre du jury de la compétition du meilleur court-métrage international, qui trouve ce festival vraiment « unique, riche, intense et intéressant ». 

Malgré les six courts-métrage présentés par la France dans cette compétition, aucun n'a gagné de prix. Toutefois, le film Gli Immacolati, du réalisateur français Ronny Trocker, a obtenu une mention spéciale du jury. Quant au court-métrage Supervenus (réalisé par Frédéric Doazan) qui avait connu un certain succès sur la toile en poussant le concept de la chirurgie esthétique jusqu’à l'absurde, Yoel Kaminski en reconnaît tout de même « l'efficacité » en dépit de « l'absence de surprise dans la narration ». 

C'est finalement l'Allemagne qui a remporté le golden ANNA 2014 du meilleur court-métrage international avec Das Satanische Dickicht – Eins (Le bosquet satanique – un), de Willy Hans. Le film a fait l'unanimité au sein du jury avec son atmosphère oppressante qui brosse avec efficacité le portrait d'une famille désunie. Pour autant, les membres des jurys ont tenu à souligner la qualité de tous les films projetés et à féliciter l'équipe du festival.

Vivre la transgression

Il faut dire que cette année, le thème de la transgression a autorisé la projection de certains films qui se sont avérés être une véritable expérience pour le public. En étant projetés dans une petite salle de cinéma d'un bar de Riga à l'ambiance décontractée, le Kaņepes Kultūras centrs, les films de la catégorie érotique ont ainsi partagé les spectateurs entre le rire et les silences gênés. Pour cause, le premier court-métrage – Please relax now (S'il te plaît, détends-toi maintenant) - de Vika Kirchenbauer présentait une personne à l'allure androgyne qui incitait chacun à se manuéliser selon ses instructions alors que la salle était plongée dans le noir. Un autre (I am monster - Je suis un monstre - de Shamon lark et Lori Bowen) relatait, non sans un certain humour noir, les péripéties sexuelles d'une nécrophile travaillant à la morgue. 

Dans une forme de transgression différente, une projection spéciale de courts-métrage a été organisée par le cinéaste grec Vassily Bourikas dans un petit cinéma indépendant de Riga. « L'expérimentation et la recherche cinématographique n'ont jamais été soutenues dans notre pays, mais lentement les cinéastes prennent les choses en main. » L'enjeu était de montrer autre chose que la crise en Grèce à travers le regard atypique de réalisateurs en herbe. L'originalité, ou devrait-on dire la transgression, consistait également à projeter ces films via un ancien projecteur pelliculaire dont le bruyant mécanisme et l'imparfaite qualité d'image ont participé au charme de la séance. Neuf jours durant, les expériences cinématographiques se sont donc suivies et l'édition 2014 du 2ANNAS fut riche en surprises et en découvertes. 

Le cinéma letton à l'honneur

Image tirée du film Akmeņi manās kabatās
Image tirée du film Akmeņi manās kabatās
Ce fut aussi l'occasion pour le cinéma letton de présenter quelques unes de ses réalisations. Ainsi, en remportant le prix du meilleur court-métrage expérimental et celui de la meilleure fiction en forme courte de la compétition balte, puis le prix du meilleur long-métrage de la compétition internationale des longs-métrages, il a su mettre en avant ses ressources. Le lauréat de ce dernier prix, Akmeņi manās kabatās (Des pierres dans mes poches), de Signe Baumane, a particulièrement plu en ce que son ambiance surréaliste parvient à trouver un juste équilibre narratif entre la mise en scène d'événements de l'histoire lettone et le combat de cinq femmes contre la dépression et la folie. Fondé sur des faits réels, ce film d'animation alterne avec justesse entre le comique et le dramatique. Ces trois distinctions, en plus d'être symboliques, sont pour le reste encourageantes à l'heure où les films américains représentent environ 90 % des entrées en Lettonie.

Mais ne nous méprenons pas, quelque soit le pays d'origine, le cinéma indépendant n'est pas un cinéma grand public, car ses codes ne répondent pas aux attentes de la majorité. Il s'agit d'un autre monde, où la créativité et l'originalité priment sur le budget et la démagogie. Pour autant, c'est lors de festival de ce genre que le grand public peut découvrir de petites pépites cinématographiques. Et le festival 2ANNAS a tenu ses promesses en organisant des projections gratuites dans des bars, et peu coûteuses dans les cinémas. Les organisateurs sont jeunes, ils maîtrisent les réseaux sociaux, ils collaborent à ce festival international avec passion et le tout dans une atmosphère relativement bon enfant. En continuant sur cette voie, l'événement s'engage donc dans un avenir assuré. Il constitue d'ailleurs d'ores et déjà un rendez-vous annuel pour bon nombre de cinéastes et cinéphiles.

Notons qu'en fin d'année, Riga organise pour la première fois le Riga international film festival (RIFF) en vue de décerner les European Film Awards (Prix du Cinéma Européen). La ville accueille l'événement en l'honneur de son statut de capitale européenne de la culture 2014. L'occasion pour l'équipe du festival de promouvoir la culture cinématographique lettone et de présenter à un plus grand public certains films déjà projetés lors du 2ANNAS. 

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